Pouvait-on imaginer des paysages bucolique, la lagune de Venise, les plus
beaux sites méditerranéens, les villes de l'Afrique du Nord, rayonnant de
couleurs sous des ciels d'un rouge intense ?
Parfois ils flamboient plus encore avec quelques stries jaunes, à peine
perceptibles.
Toute la tendresse et l'humanité des personnages, tout le romantisme des
campagnes et des villages de la côte méditerranéenne, se trouvent basculés
dans un enfer en devenir.
Partout le ciel rouge rayonne, parfois il s'impose implacablement, parfois il
s'étale document, prêt à couvrir la toile. Dayan nous montre le monde avant
l'apocalypse. Il nous fait prendre conscience des beautés qui nous entourent
avant qu'elles disparaissent. Il magnifie les paysages et les scènes de rues
en nous annonçant la fin du monde pour nous les faire regretter plus encore.
Avec ce rouge de feu, les couleurs des paysages se valorisent d'elles-mêmes.
Elles étincellent et mettent en relief le moindre détail : les lavandins
deviennent des feux d'artifices posés sur la terre de Provence, la mer
s'enrichit d'un bleu intense et profond où le moindre sujet resplendit sur sa
surface telle une perle rare.
Dayan est le digne fils de la peinture française moderne. Du cubisme il
obtient des volumes primitifs dont les perspectives sont aléatoires, de
Matisse il est empreint des couleurs brutes, de Vlamick il hérite de ce trait
vigoureux et volontaire.
Mais avant tout l'œuvre de Dayan est profondément originale, car, seul, il
intègre une telle violence colorée dans des compositions aussi classiques.
Le fini des toiles de Dayan est à la limite de l'infini. Seules des imperfections volontaires nous mettent à l'orée de ce paradis coloré
synonyme d'Eden.
L'Apocalypse de Dayan n'est pas une fin mais une renaissance. Il nous offre tel
qu'il est et tel qu'il sera au grand embrasement. Mais pour y parvenir
l'artiste passe par des étapes dont la plus intéressante est une évocation
du mur des lamentations de Jérusalem. De petits personnages en tenue
rabbinique semblent totalement écrasés par ce mur immense qui rempli la
toile. On retrouve là ce sens de la composition qui magnifie le détail, ici
l'homme, face à l'immensité de la création. Sur sa toute dernière création,
un immense bouquet de tournesols ( hommages à Van Gogh probablement ) est
parsemé de petits personnages qui, telles des coccinelles se promènent sur
les feuilles. Dayan replonge dans sa propre enfance, et, comme les nains de
Gulliver, part à la conquête d'un territoire géant.
Toile charmante, onirique, où, une fois de plus, l'homme n'est pas un maître
de son devenir. Il est dominé par la nature et se multiplie à l'identique
pour essayer de la maîtriser. Il est certain que Dayan pose en permanence le
problème fondamental de notre avenir. Sommes nous à la veille de
l'Apocalypse comme dans ses paysages, sommes nous dominés par Dieu comme dans
son mur des
lamentations, sommes nous à la merci d'une nature triomphante
comme dans ses tournesols ? Ou bien, plus simplement sommes nous loin de nos rêves
d'enfants ?
Christian Gallo ( Potins d'Arts )
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